L'Assemblée
nationale et le Conseil de la République ont délibéré,
L'Assemblée
nationale a adopté,
Le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art. 1er. - Sont assujettis aux prescriptions de la présente loi toutes les publications périodiques ou non qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet apparaissent comme principalement destinées aux enfants et adolescents.
Sont toutefois exceptées les publications scolaires soumises au contrôle du ministère de l'éducation nationale.
Art. 2. - Les publications visées à l'article 1er ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse.
Elle ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse.
Art. 3. - Il est institué, au ministère de la justice, une commission chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence.
Cette
commission est composée comme suit :
Un membre
du conseil d'état, désigné par le vice-président
du conseil 'Etat, président;
Un représentant
du garde des sceaux, ministre de la justice;
Un représentant
du ministre de l'intérieur;
Un représentant
du ministre chargé de la presse ;
Un représentant
du ministre de la santé publique et de la population ;
Un représentant
du ministre de l'éducation nationale ;
Un représentant
du ministre chargé de la jeunesse ;
Deux
membres représentant le personnel de l'enseignement public et celui
de l'enseignement privé, désignés par leurs organisations
syndicales ;
Trois
membres représentant la presse destinée à la jeunesse
désignés par leurs organismes professionnels ;
Quatre
représentants des mouvements ou organisations de jeunesse désignés,
sur proposition de leurs fédérations, par le conseil de l'éducation
nationale ;
Un représentant
de la commission de la presse de l'assemblée nationale ;
Un représentant
de la commission de la justice et de législation de l'assemblée
nationale ;
Un représentant
de la commission de la famille, de la population et de la santé
publique de l'assemblée nationale ;
Trois
représentants des dessinateurs et auteurs désignés
par leurs organisations syndicales ;
Un père
et une mère de famille désignés par l'union nationale
des associations familiales ;
Deux
magistrats ou anciens magistrats, siégeant ou ayant siégé
dans les tribunaux pour enfants, désignés par le conseil
supérieur de la magistrature.
La commission
est chargée de proposer toutes mesures susceptibles d'améliorer
les publications destinées à l'enfance et à l'adolescence.
Elle
doit signaler aux autorités compétentes les infractions à
la présente loi, ainsi que tous agissements ou infractions de nature
à nuire, par le voie de la presse, à l'enfance et à
l'adolescence.
Art.4.
- Toute entreprise ayant pour objet la publication ou l'édition
d'un périodique visé à l'article 1er doit être
soit une association déclarée, soit une société
commerciale, régulièrement constituée. Elle doit être
pourvue d'un comité de direction d'au moins trois membres. Les noms,
prénoms et qualité de chacun des membres du comité
figurent obligatoirement sur chaque exemplaire.
Le comité
de direction comprends obligatoirement :
trois
membres du conseil d'administration choisi par celui-ci, s'il s'agit d'une
société anonyme ou d'une association déclarée
;
Le ou
les gérants, s'il s'agit d'une autre forme de société.
Tout
membre du comité de direction doit remplir les conditions suivantes
:
1 Etre
de nationalité française ;
2 Jouir
de ses droits civils ;
3 Ne
pas avoir été l'objet d'une mesure disciplinaire ayant entraîné
l'exclusion d'une fonction dans l'enseignement ou dans un établissement
public ou privé d'éducation ou de rééducation,
à l'exception des mesures disciplinaires prises sous l'occupation
et frappant, en tant que tels, des membres de la résistance ;
4 Ne
pas avoir été déchu de tout ou partie des droits de
la puissance paternelle ;
5 Ne
pas avoir été l'objet d'une condamnation pour fait de collaboration
ou pour délit contraire aux bonnes mœurs, d'une condamnation pour
tout crime ou pour abandon de famille, pour les infractions prévues
aux articles 342 et 345 à 357 inclus du code pénal, ou pour
vol, abus de confiance, escroquerie ou délit puni par les lois des
peines de l'escroquerie, pour soustraction commise par dépositaire
public pour extorsion de fonds ou de valeurs, ou pour recel de choses obtenues
à l'aide de ces infractions, ou pour diffamation lorsque, dans ce
dernier cas, la condamnation prononcée aura comporté une
peine d'emprisonnement ;
6 Ne
pas avoir appartenu à la direction ou au comité de direction
d'une publication périodique visée par l'article 1er et frappé
de suspension pour une durée excédant deux mois ;
7 Ne
pas avoir été condamné antérieurement pour
l'une des infractions prévues par la présente loi.
Les entreprises
existant à la date de la promulgation de la présente loi
ont un délai de six mois à dater de cette promulgation pour
se constituer conformément aux dispositions du présent article.
Art.5.-
Avant la publication de tout écrit périodique visé
à l'article 1er ou , pour les publications déjà existantes,
dans les six mois de la promulgation de la présent loi, le directeur
ou l'éditeur doit adresser au garde des sceaux , ministre de la
justice, une déclaration indiquant, outre le titre de la publication,
les noms, prénoms et adresse du directeur, des membres du comité
de direction et, le cas échéant, des membres du conseil d'administration
ou des gérants, ainsi que la dénomination et l'adresse de
l'association ou de la société.
Tous
changements affectant les indications fournies dans la déclaration
doivent faire l'objet d'une nouvelle déclaration dans le délai
d'un mois.
Art.6.
- Le directeur ou l'éditeur de toute publication visée à
l'article 1er est tenu de déposer gratuitement au ministère
de la justice, pour la commission de contrôle, cinq exemplaires de
chaque livraison ou volume de cette publication dès sa parution,
sans préjudice des dispositions concernant le dépôt
légal.
Les dispositions
du présent article seront applicables dès la publication
de la présente loi.
Art.7.
- Sans préjudice de l'application des dispositions des articles
119 à 129 du décret du 29 juillet 1939 visant les publications
contraires aux bonnes moeurs ainsi que des dispositions de la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse et de toutes autres dispositions
pénales applicables en la matière, toutes infractions aux
dispositions de l'article 2 sont punies d'un mois à un an et d'une
amende de 50.000 F à 500.000 F.
Le jugement
est publié au Bulletin officiel du ministère de l'éducation
nationale, à la Bibliographie de la France et dans trois journaux
désignés nommément par le jugement. Le tribunal ordonne
en outre la saisie et la destruction des publications incriminées.
Le tout aux frais du ou des condamnés.
Lorsque
l'infraction a été commise par la voie d'une publication
périodique, le jugement peut ordonner la suspension de celle-ci
pour une durée de deux mois à deux ans.
En cas
de récidive, les responsables sont passibles d'un emprisonnement
de deux mois à deux ans et d'une amende de 100.000 F à 1
million de francs. En outre, s'il s'agit d'une publication périodique
l'interdiction temporaire est ordonnée et l'interdiction définitive
peut être ordonnée.
Sont
punis des peines prévues à l'alinéa précédent
le directeur de publication et l'éditeur qui ont enfreint une décision
de suspension ou d'interdiction.
Les associations
reconnues d'utilité publique dont les statuts, agréés
par le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre de l'intérieur,
prévoient la défense de la moralité, les associations
de jeunesse ou d'éducation populaire agréées par le
ministre de l'éducation nationale, peuvent en cas d'infraction aux
dispositions de l'article 2, exercer les droits reconnus à la partie
civile par les articles 63,64,66,67,68 et 182 du code d'instruction criminelle.
Art.8.- Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à un an et d'une amende de 100.000 F à 500.000 F quiconque éditera en infraction aux dispositions de l'article 4 une publication visée à l'article 1er.
Art.9.- Sera puni d'une amende de 50.000 F à 200.000 F le directeur ou éditeur de toute publication qui enfreindra les dispositions des articles 5 et 6.
Art.10.- L'auteur d'une fausse déclaration déposée en application de l'article 5 de la présente loi sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une amende de 100.000 F à 500.000 F.
Art.11.- A l'égard des infractions prévues par l'article 2 de la présente loi, les directeurs ou éditeurs seront, pour le seul fait de la publication, passibles comme auteurs principaux des peines portées à l'article 7.
A leurs défaut, l'auteur et , à défaut de l'auteur, les imprimeurs et distributeurs seront poursuivis comme auteurs principaux.
Lorsque l'auteur n'est pas poursuivi comme auteur principal, il sera poursuivi comme complice.
Outre
les cas prévus à l'article 60 du code pénal, pourront
également être poursuivis comme coauteurs, passibles des mêmes
peines :
Les auteurs
et les imprimeurs ;
Et comme
complices :
Les distributeurs.
Art.12.-
A l'égard des infractions prévues par l'article 4, seront
passibles des peines prévues à l'article 8 :
Les directeurs
ou éditeurs des publications, quelles que soient leurs professions
ou dénominations.
Art.13.-
L'importation pour la vente ou la distribution gratuite en France des publications
destinées à la jeunesse ne répondant pas aux prescriptions
de l'article 2 ci-dessus est prohibé à titre absolu.
Est également
prohibé à titre absolu l'exportation de ces mêmes publications,
lorsqu'elles ont été éditées en France.
Indépendamment
des pénalités qui peuvent être infligées en
vertu de la réglementation douanière, les importateurs, exportateurs
ou transitaires qui auront participé sciemment aux délits
visés par l'article 2 seront passibles des peines prévues
à l'article 7.
L'importation
pour la vente ou la distribution en France de publications étrangères
destinées à la jeunesse est subordonnée à l'autorisation
du ministre chargé de l'information, prise sur avis favorable de
la commission chargée de la surveillance et du contrôle des
publications destinées à l'enfance et à l'adolescence.
Art.14.-
Il est interdit, sous les peines prévues au premier alinéa
de l'article 7 de la présente loi, de proposer, de donner
ou de vendre à des mineurs de dix-huit ans, les publications de
toute nature présentant un danger pour la jeunesse, en raison de
leur caractère licencieux ou pornographique, de la place faite au
crime.
Il est
interdit, au surplus et sous les mêmes sanctions, d'exposer ces publications
sur la voie publique, à l'intérieur ou à l'extérieur
des magasins ou des kiosques, ou de faire pour elles une publicité
dans les mêmes conditions.
Les interdictions
ci-dessus résultent d'arrêtés pris par le ministre
de l'intérieur.
La commission
chargée de la surveillance et du contrôle des publications
destinées à l'enfance et à l'adolescence est habilitée
à signaler les publications qui lui paraîtraient justifier
ces interdictions.
La vente
et l'offre couplée des publications définies à l'article
1er de la présente loi, avec des publications visées au paragraphe
1er du présent article est interdite sous peine des sanctions prévues
au premier alinéa de l'article 7 de la présente loi.
Art.15.- Un règlement d'administration publique pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l'intérieur, du ministre de l'éducation nationale, du ministre de la santé publique et de la population et du ministre chargé de l'information, fixera les modalités de l'application de la présente loi, sans préjudice de l'application immédiate des dispositions pénales édictées à l'article 7.
Art.16.- La présente loi est applicable aux territoires d'outre-mer. Un règlement d'administration publique déterminera les conditions de cette application.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'état.
Fait à Paris, le 16 juillet 1949.
Vincent Auriol.
Par le
président de la république :
Le président
du conseil des ministres,
Henri
Queuille.
Le garde
des sceaux, ministre de la justice,
Robert
Lecourt.
Le ministre
de l'intérieur,
Jules
Moch.
Le ministre
de l'éducation nationale,
Yvon
Delbos.
Le ministre
de la France d'outre-mer,
Paul
Coste-Floret.
Le ministre
du travail et de la sécurité sociale,
Daniel
Mayer.
Le ministre
de la santé publique et de la population,
Pierre
Schneiter.